Chella Man, artiste américain d’origine chinoise dénonçant la xénophobie liée au Covid-19
CORONAVIRUS. Depuis le début de l’année, l’épidémie Covid-19 continue sa progression partout dans le monde. On cherche des responsables, fustige du regard les gens saisis de toux dans les transports. Dans ce climat de psychose général, la xénophobie envers les personnes asiatiques se fait particulièrement ressentir. La pandémie de Covid-19 répand un autre fléau moins médiatisé, le racisme.
La xénophobie et la méfiance envers les personnes asiatiques se sont particulièrement amplifiées à l’heure où la Chine reste le pays le plus touché par la pandémie. Étudiant sino-thaïlandais en science politique à la Sorbonne, Rémy rappelle que le racisme anti-asiatique a toujours existé.
Le jeune homme de 27 ans explique que l’épidémie de coronavirus a permis de mettre en lumière ce phénomène qu’il côtoie depuis toujours. Interrogé par WorldZine, il déplore cette situation : « ça a commencé par des moqueries, des préjugés ou des personnes qui miment les yeux bridés. Cela peut s’apparenter à une blague innocente, mais pour nous, il s’agit d’une caricature facile. » Des plaisanteries aux menaces de mort, le racisme frappe de plein fouet la communauté asiatique.
Le coronavirus, une épidémie qui répand l’humour noir
Les plaisanteries concernant la pandémie fleurissent sur les réseaux sociaux. Certaines images et références cinématographiques peuvent parfois être détournées en faisant référence à l’origine chinoise de l’épidémie. Mais le racisme anti-asiatique n’est parfois pas loin. Le débat épineux de l’humour et l’éternelle question « peut-on rire de tout ? » divise, y compris au sein de la communauté asiatique.

Sur Twitter et Facebook, comme c’est le cas ici avec le groupe Neurchi de Harry Potter, les internautes semblent se focaliser sur l’origine asiatique du Covid-19. À une heure où deux des trois pays les plus touchés au monde sont localisés au Proche-Orient pour l’Iran et en Europe pour l’Italie, l’essentiel des blagues se tourne pourtant vers les Asiatiques. Ce meme défendu par les administrateurs de ce groupe Facebook comme « non offensant », est un exemple frappant du contexte ambiant. Si certains pensent qu’il faut continuer à rire de tout et que l’humour permet même dénoncer le racisme, il est évident que la xénophobie prend d’autres formes bien plus violentes.
La peur de la stigmatisation
Rémy raconte à WorldZine sa crainte de la stigmatisation et du développement des clichés à l’égard de sa communauté. Passionné de karaté, le jeune homme s’est empêché de pratiquer ce sport martial qu’il affectionne pour éviter de s’attirer des mauvaises plaisanteries. Particulièrement avec l’épidémie de coronavirus, l’étudiant se pose la question de la pertinence de poursuivre ses entraînements. Issu de la deuxième génération d’immigrés arrivée en France, il raconte l’importance de s’adapter au pays mais dénonce la stigmatisation malgré sa volonté d’intégration. L’étudiant évoque ses craintes de voir un stage lui être refusé à Lyon, en raison de ses origines et de la peur qu’elles pourraient engendrer.
Il y a des moments, je m’interroge si, avec la stigmatisation et le Covid-19, nous sommes considérés comme des êtres humains.
Rémy
Les mots et le ras-le-bol de Rémy dénoncent le racisme banalisé, particulièrement exacerbé par le coronavirus que subit la communauté asiatique. Le jeune homme est également surpris par le silence de ses pairs, pourtant confrontés aux mêmes violences que lui. Éduqués dans une véritable volonté de vivre ensemble et de pacifisme, Rémy tente d’expliquer ce silence par l’existence d’une mentalité asiatique privilégiant l’inaction dans le but d’éviter des représailles pour les prochaines générations. Une mentalité également mentionnée par Li, étudiante de nationalité chinoise venue apprendre le français à Lille. La jeune femme évoque quant à elle une mentalité pacifiste bien loin du modèle de pensée des Français qui, selon elle, n’hésitent pas à manifester leur désaccord en cas de situation inquiétante à leur égard.
Des violences inquiétantes apparues ces dernières semaines
Rémy et Li racontent tous deux avoir dû faire face à des moqueries humiliantes et à des comportements hostiles liés à leurs origines ou nationalité. L’étudiant de 27 ans témoigne des violences qu’il a subies lors d’un jogging la semaine dernière : « trois kilomètres, des regards, des insultes et des personnes qui s’écartent comme si j’étais un mal propre ». Face à cette montée de xénophobie, le hashtag #Iamnotavirus dénonçant les violences envers les personnes asiatiques a été lancé sur les réseaux sociaux. Le compte Instagram Stop racisme anti asiatiques a notamment été créé pour dénoncer ces violences.

De nombreuses agressions physiques et verbales ont été enregistrées en Europe. Le cas de Zhang, italien d’origine chinoise de 30 ans, agressé alors qu’il entrait dans un bar, n’est pas un cas isolé. Bien que flouté, son visage paraît ensanglanté sur la photographie relayée par le compte Instagram Stop Racisme anti asiatiques. La violence verbale se transforme en agressions physiques qui ne cessent de se multiplier sur le Vieux Continent. En Angleterre, Jonathan Mok, étudiant originaire de Singapour, a été violemment agressé par quatre hommes alors qu’il descendait Oxford Street. La France n’échappe pas à cette montée de xénophobie, le cas d’une lycéenne d’origine asiatique, lacérée au visage et menacée de mort dans son établissement a été recensé. La crainte du virus, conduit certaines personnes à reporter leur peur sur des personnes qu’elles identifient comme coupables en raison de leurs origines.
Rémy explique que sa famille a décidé de ne pas fêter l’anniversaire de sa mère au restaurant, dans le but de se protéger de la xénophobie le mois dernier. Si le jeune homme rappelle qu’il n’est pas un porte parole et que son expérience n’est que personnelle, les faits sont là : le racisme anti-asiatique est présent dans les mentalités, de l’humour jusqu’aux agressions physiques.