REPORTAGE. La semaine dernière, une nouvelle expertise médicale a exonéré les gendarmes dans la mort d’Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans, décédé lors d’une arrestation par « plaquage ventral », une méthode reconnue comme dangereuse. Sa famille et le collectif « Vérité et Justice pour Adama » luttent depuis son décès en juillet 2016 pour faire reconnaître la culpabilité des trois gendarmes présents lors du décès du jeune homme arrêté. Assa Traoré, sa sœur aînée, a appelé à un rassemblement le 2 juin 2020 devant le nouveau TGI de Paris à 19h, rassemblement qui s’est révélé historique en France avec un nombre de manifestants important.
La mort de George Floyd, noir américain asphyxié à mort par des policiers à Minneapolis a déclenché des émeutes réclamant justice aux États-Unis. En France, les violences à caractère raciste de la police demeurent tout aussi pointées du doigt par les associations militantes mais beaucoup moins par les médias. Alors que des réactions réclamant justice secouent les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande ou encore les Pays-Bas, en France la colère monte également. C’est devant le TGI de Paris que se sont rassemblés des dizaines de milliers de manifestants venus soutenir la famille Traoré, dans un contexte tendu. Si la manifestation était pacifique au début de la soirée, elle a pourtant connu des heurts à 21h et s’est dispersée calmement vers 22h30. Une forte présence de la police a marqué les esprits mais c’est surtout une première victoire selon Assa Traoré.
Une expertise raciste et bâclée selon le collectif
« Vérité et Justice pour Adama » a dénoncé sur les réseaux sociaux un nouveau rapport d’expertise qui a été rendu public le 29 mai. Le collectif signale une expertise trop rapide, où les médecins ont évoqué le terme raciste de « sujets de race noire ». Plus encore, les experts en charge du rapport n’auraient pas les compétences médicales nécessaires, n’étant pas spécialistes des pathologies en cause dans le dossier. Un pneumologue, un hématologue et un gériatre auraient ainsi rendu un rapport cardiologique bien loin de leurs domaines de spécialités. Le collectif souhaite donc saisir le conseil de l’Ordre des médecins. Assa Traoré, figure charismatique de « Vérité et Justice pour Adama » a lancé un appel au rassemblement pour soutenir le collectif, le 2 juin 2020. L’activiste a été attaquée pour diffamation par deux des trois gendarmes mis en cause dans la mort de son frère, défendus par l’avocat Rodolphe Bosselut, également connu pour défendre la figure de l’extrême droite française, Marine Le Pen. Assa Traoré continue de se battre depuis 2016, malgré un « acharnement contre sa famille » qu’elle dénonce. En dépit de l’interdiction de la préfecture le jour même, l’activiste a souhaité maintenir ce rassemblement contre les violences policières, en dénonçant une tentative d’intimidation.
Une manifestation historique en France
Le rassemblement, réunissant 20.000 personnes selon la police et les médias et 40.000 selon le collectif « Vérité et Justice pour Adama » est un rassemblement que beaucoup ont qualifié d’historique en France. W*, une étudiante de 19 ans venue manifester, évoque « énormément de monde ». Pourtant, la jeune femme est arrivée avec une heure d’avance. Elle espère que la manifestation « sera un moment clé pour changer les choses ». Le collectif quant à lui, s’est exprimé sur Twitter dans la matinée :
Une marche historique, 40.000 manifestants pour réclamer Justice pour Adama et toutes les victimes de la police en France. C’est un cas unique de notre histoire, le monde entier nous regardait
La manifestation a fédéré de nombreux soutiens. Des soignants se sont joints à l’appel arborant une banderole « Le racisme étouffe, soignant.e.s solidaires », des personnalités publiques telles que les actrices Adèle Haenel et Aïssa Maïga ont été aperçues au côté d’Assa Traoré. Ce rassemblement a également touché d’autres villes telles que Lille et Marseille.

Vers 21h, de nombreux gaz lacrymogènes tirés
W* évoque la forte présence de la police dès son arrivée devant le tribunal à 18h.
La préfecture de police avait fermé toutes les stations de métro proches. Sur le chemin on a croisé beaucoup de camions de flics et il y a même des policiers qui ont vérifié nos sacs quand on s’est dirigés vers le tribunal.
La manifestation majoritairement pacifique bien qu’interdite a connu des débordements vers 21h. Si BFMTV a évoqué des débordements de la part des manifestants, la plupart d’entre eux ont exprimé leur désaccord sur les réseaux sociaux, expliquant que les CRS présents se sont montrés agressifs à la tombée de la nuit. Des dégâts et des feux ont été aperçus mais les manifestants signalent une grande quantité de tirs de gaz lacrymogènes injustifiés :
Une expertise médicale de dernière minute confirme la culpabilité des gendarmes dans la mort d’Adama Traoré
Alors que le rassemblement bat son plein, la nouvelle tombe. C’est une victoire pour le collectif. Un rapport vient contredire la dernière en date du 29 mai 2020. Cette contre-expertise indépendante demandée par sa famille, confirme qu’Adama Traoré est décédé suite à son arrestation par plaquage ventral par les gendarmes en 2016. Maître Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille a déclaré que « cette contre-expertise a été réalisée par un professeur de médecine interne d’un prestigieux hôpital parisien ». La partie adverse, incarnée par maître Rodolphe Bosselut dénonce une « instruction purement médiatique ». Le collectif « Vérité et Justice pour Adama » exprime sa victoire en espérant que ce rassemblement n’est qu’un début contre les violences policières.