GRÈCE. Ce mercredi 7 octobre s’est terminé l’un des procès politiques les plus importants de Grèce. Après cinq années de procédures, le verdict tombe enfin : L’Aube Dorée, parti néonazi, est considéré comme une « organisation criminelle ». WorldZine était au cœur du rassemblement qui a réuni 15 000 personnes. Revivez la manifestation devant la cour de justice d’Athènes, jusqu’à la dispersion de la foule par la police.
L’Aube Dorée connaît un succès électoral certain en 2012, alors que la Grèce traverse une crise économique difficile. 18 députés entrent alors au Parlement et représentent 10% des voix. Un an plus tard, le rappeur antifasciste Pavlos Fyssas est poignardé à mort par un membre du parti d’extrême droite. Sahzat Lukman, un jeune pakistanais de 27 ans, est également assassiné et des pêcheurs égyptiens sont agressés au port d’Athènes. C’est alors un procès historique qui s’ouvre en avril 2015 mettant en cause 69 membres du parti politique, dont Nikos Michaloliakos le leader du parti. Les délits et crimes dont sont accusés les membres qui ont été mis en examen sont nombreux. Le succès électoral de l’Aube Dorée va rapidement disparaitre lors des élections de 2019, suite à la médiatisation du procès qui entendra près de 350 témoins. L’enquête a notamment permis de découvrir un véritable petit musée du nazisme, regroupant portraits d’Hitler et croix gammées au domicile du numéro 2 du parti.
En décembre 2019, le réquisitoire de la procureure Adamantia Economou est accueilli avec colère par les militants antifascistes : elle demande l’acquittement de Michaloliakos, le leader de l’Aube Dorée, ainsi que pour une quinzaine de hauts dirigeants de l’organisation, expliquant que le meurtre de Pavlos Fyssas n’était pas prémédité. Le réquisitoire est simplement l’indication de ce que l’Etat souhaite pour le verdict d’un procès. Mais le jugement aujourd’hui en a été autrement : l’assassin de Pavlos Fyssas a été reconnu coupable, les agresseurs des pêcheurs égyptiens également et le leader Michaloliakos reconnu coupable de « direction d’une organisation criminelle ».
Un rendez-vous matinal à 9h30, devant la cour de justice
L’atmosphère est tendue ce matin du 7 octobre. Le sol du grand boulevard Alexandras est jonché de tracts militants et la foule, de tout âge, est présente avec une majorité de jeunes grecs. Les banderoles s’érigent dans l’air et la cour est déjà cerclée par une dizaine de bus de police. Ceux-ci sont tendus, refusent qu’on les prenne en photo et patrouillent dans les rues d’Exarchia, le quartier anarchiste à deux pas du rassemblement. De la musique retentit à travers les haut-parleurs d’une camionnette blanche. La rue est noire de monde, la foule s’amasse de manière très dense. Si la chaleur est déjà étouffante, la plupart des manifestants gardent un masque, à défaut de pouvoir respecter les gestes barrières. Des banderoles fleurissent le long de certains immeubles. La manifestation antifasciste bat son plein.

Divers groupes paradent avec leur banderole : des drapeaux LGBT sont érigés dans le rassemblement et des syndicats se sont également regroupés. Certains avaient appelé à un arrêt de travail pour la journée. Quelques petits stands de partis et d’associations sont également éparpillés le long des trottoirs bondés de monde. Des manifestants parviennent à dérouler le long d’un immeuble une banderole avec un message très fort : le dessin d’un fasciste pendu par les pieds.

Deux jeunes militantes de l’internationale socialiste nous abordent et discutent. « Aujourd’hui, nous pouvons gagner la bataille, mais cela ne signifie pas que nous gagnons la guerre », nous prévient l’une d’entre elles. Elles vendent des pins, nous offrent des stickers antinazis. Mais elle se figent lorsque nous leur demandons de traduire un tract anarchiste. Les militantes ne sont pas d’accord avec celui-ci, qui demande la condamnation à mort des fascistes, non autorisée en Grèce. Celles-ci préfèrent une solution plus douce, la prison. Si la manifestation unit des dizaines de milliers de personnes aux valeurs anti-racistes et anti-fascistes, des désaccords subsistent.

Un verdict qui fait exploser la joie
L’atmosphère se tend à l’approche de l’heure du verdict, des slogans sont scandés, clamant que Pavlos Fyssas est toujours vivant dans la lutte contre le nazisme. A 11h40, des haut-parleurs s’adressent à la foule rassemblée : le meurtrier du rappeur est reconnu coupable. Les manifestants applaudissent avec joie. Puis une seconde fois lorsque que c’est au tour des agresseurs des pécheurs égyptiens d’être condamnés. Et enfin une dernière fois lorsque l’Aube Dorée est reconnue comme « organisation criminelle ». Il est alors 11h51. Les manifestants hurlent de joie, applaudissent et certains se prennent dans les bras. L’une des manifestantes nous montre ses bras, elle a la chair de poule. Elle explique qu’ils ne s’attendaient pas à un verdict comme celui-ci.
Des tirs de gaz lacrymogène condamnés par Amnesty International
Des bouteilles en plastique vides valsent dans les airs. La police réplique immédiatement. Des canons à eau et une énorme quantité de gaz lacrymogène sont déversés sur la manifestation. La foule est très compacte et des mouvements de panique la saisissent. L’équipe de WorldZine est obligée de se réfugier dans un bâtiment pour échapper au gaz et aux explosions de grenades de désencerclement. En deux minutes, la police grecque vide le boulevard de ses 15 000 manifestants.

Les manifestants obligés de se barricader ou de fuir
Une dizaine de minutes plus tard, les manifestants alors barricadés sortent petit à petit pour quitter le boulevard. Le sol est désormais jonché de projectiles renvoyés par la foule et la police. De grosses bennes à ordure ont également été éventrées. Plus tard dans la journée, Amnesty International condamnera l’usage d’une telle quantité de gaz lacrymogène sur une foule aussi compacte. Le verdict du procès de l’Aube Dorée est donc une victoire certaine pour le mouvement anti-fasciste, mais qui n’a pu être célébrée que très brièvement.
