INTERVIEW. Nicolas Poincaré, présentateur de la 23e édition du Prix Bayeux-Calvados, revient sur ce qu’il a ressenti lors de cette soirée.
WorldZine : Qu’est-ce que vous aimez au Prix Bayeux-Calvados ?
Nicolas Poincaré : Ce que j’aime bien ici, c’est qu’on voit quand même ce qui s’est fait de mieux en images sur toute l’année et dans le monde entier. Normalement il y a une sélection d’images et la plupart on les a raté, on ne les a pas vues. Les meilleures photos, les meilleurs textes, les meilleures images et donc c’est un vrai plaisir de venir une fois par an regarder ce best-of de journalisme de guerre.
Yannis par exemple, le photographe grec qui a tout gagné à la fin, je ne l’avais quasiment pas revu depuis Sarajevo en 1992. Donc c’est vraiment un plaisir de le retrouver, ça fait prendre un petit coup de vieux, quand on voit des gens qu’on n’a pas vu depuis 25 ans. Il y a des gens que je ne vois quasiment qu’à Bayeux. Des gens que je voyais avant en reportage mais qui vivent à l’étranger. Quand je viens à Bayeux, je suis sûr de retrouver quelques vieux copains de la Tchétchénie, du Rwanda, de la Bosnie.
WorldZine : Est-ce la première fois depuis que le Prix Bayeux existe que la guerre s’invite en France, que l’on reçoit des images de terrains de guerre pendant les attentats ?
Nicolas Poincaré : Ouais, ce qui s’est passé le 13 novembre à Paris, tous ceux qui y étaient ont dit que c’était de vraies scènes de guerre. C’est à dire des balles à la « Kalach », Kalachnikov comme la plupart des terrains de guerre, une centaine de morts, un bilan complètement énorme et donc effectivement la guerre était chez nous cette année.
Alors il se trouve que les reportages qui ont été envoyés n’ont pas été retenus, je ne les ai pas vu, je ne peux pas vous dire pourquoi et je ne fais pas partie du comité de sélection mais ils auraient pu. On aurait pu avoir cette année, pour la première fois, un reportage sur la France et peut-être qu’on l’aura l’année prochaine, parce que pour des questions de dates par exemple, le 14 juillet à Nice, c’était une date trop tardive puisque la présélection est avant.
Donc peut-être que l’année prochaine on aura un reportage sur le 14 juillet à Nice et donc effectivement on aurait un reportage sur la guerre en France, ce qui est quand même frappant.
WorldZine : Qu’est-ce que vous voudriez dire, en tant que journaliste, pour conserver cette liberté de la presse ?
Nicolas Poincaré : Bonne question. Je pense que chez nous, nous journalistes européens en gros, on est quand même pratiquement jamais confrontés à des vrais problèmes qui nous empêchent de dire ce qu’on veut, quand on veut, où l’on veut.
La liberté de la presse c’est une journaliste Russe qui est venue en parler, qui a fait le déplacement de Moscou, pour venir à la stèle.
Par exemple en ce moment en Russie, c’est vraiment très dangereux de faire son métier librement, si on parle de la Tchétchénie en particulier mais même si on parle de la corruption, si on parle du régime etc…
Donc il y a vraiment des pays, comme la Russie, où c’est très difficile en ce moment et c’était émouvant de voir une Russe qui vient jusqu’à Bayeux nous dire : “Attention c’est dangereux”.
Et puis par exemple Acapulco. Le photographe qui fait une expo ici à Bayeux, qui couvre sa ville dans laquelle il a grandi, qui était un petit paradis sur Terre du tourisme qui est devenue une des villes les plus dangereuses du monde, avec plus de 1500, je crois, assassinats par an. Pareil, lui aussi travailler librement à Acapulco c’est hyper dur, si vous remettez un petit peu en cause les narcotrafiquants, les auteurs de ces assassinats, vous ne vivez pas très longtemps.
Donc là on a eu ce soir à Bayeux deux exemples d’endroits où ça veut dire quelque chose, que c’est dangereux d’informer. Nous, franchement, Européens au sens large, on n’a pas à se plaindre, nous on n’est pas confrontés à des problèmes de liberté de la presse.