TENNIS. Ce week-end est marqué d’une petite évolution dans le circuit tennistique professionnel avec la tenue de la Laver Cup, à l’O2 Arena de Prague. L’occasion de déblatérer quelques lignes sur le pourquoi de la création d’un tel tournoi, purement d’exhibition, au cours duquel deux formations, l’une européenne et l’autre mondiale, s’affrontent pour remporter le plus de duels possibles. Ce nouvel événement, tout juste inscris à l’agenda de quelques uns des meilleurs joueurs mondiaux, est par ailleurs sorti de terre sous l’impulsion d’un certain Roger Federer et son puissant agent, Tony Godnick.
Têtes d’affiche
Avec une campagne publicitaire sûrement onéreuse mais très calibrée, si vous vous retrouvez sur la capitale tchèque ce week-end, il ne sera pas question des derniers déboires du Sparta Prague dans le championnat national. La Laver Cup truste tout les coins de rue et appâte avec sa très jolie line-up concoctée cette année dans le gratin des meilleurs joueurs mondiaux. Pas de Del Potro, comme certaines affiches le laissent entendre, pour récupérer de sa belle saison, mais des non moins spectaculaires Nick Kyrgios, Jack Sock, Sam Querrey voire la grande promesse américaine Frances Tiafoe pour la Team World. Sur le papier, le déséquilibre est conséquent à comparer avec la Team Europe.
Cette dernière est mené par Federer et des lieutenants de premier choix, Nadal, Thiem, Zverev à l’heure où les Djokovic, Murray et Wawrinka ont prématurément mis un terme à leur saison cet été. Et cela s’est très vite confirmé, la team Europe menant logiquement 9-3 au second soir et ce en dépit de beaux combats. La compétition cherche à priori à séduire, surtout cette année dans une capitale européenne où les tournois ne jouissent pas de têtes d’affiches similaires – l’Open de Prague n’étant qu’un simple challenger, pas assez bankable dira t-on.
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Pourtant à entendre certains des gladiateurs de l’arène, le terme « exhibition » se trouverait galvaudé. À commencer par Rafa Nadal : « Non, ce n’est pas du tout une exhibition ! Ce matin, je me suis levé à 6h pour aller m’entraîner. Je peux vous dire qu’avant une exhibition, je ne m’entraîne pas … » Le roi de la terre battue résume en une seule phrase la considération de ses joueurs pour un événement qui ne met pas en jeu leurs propres points ATP. Le sentiment est partagé chez les autres joueurs à l’image de Nick Kyrgios qui insistait sur l’importance d’un tel événement : « Personnellement, je prends la Laver Cup très au sérieux, plus que la Hopman Cup [tournoi mixte organisé à Perth et intégré dans le circuit des Futures, ndlr] ou l’IPTL par exemple. » Il en reste que ce du calendrier annuel ATP bénéficie d’un joli dans la très chargée année tennistique, quelques semaines après le dernier Grand chelem de la saison.
Cette bulle économique met probablement à mal la popularité de certaines compétitions (Saint-Petersbourg par exemple), présente auparavant sur la même plage temporelle. La Laver Cup se trouve aussi dans le sillage de la Coupe Davis, dont la réputation s’étiole par son manque de cohérence et d’attractivité. Le dispositif porté par Roger Federer fait office, non pas de concurrence directe à ces mais au moins d’alternative d’avenir avec la garantie du spectacle sur ce temps mort de la saison ATP.
Marque Federer
Cette « super exhibition » fait donc clairement les affaires de Papi Roger et de son agent, Tony Godsick, avec qui il a monté quatre ans auparavant l’agence de management Team8 gérant la marque Federer tout comme les contrats de nombreuses stars du circuit, parmi elles Dimitrov et Del Potro. La promesse du « succès en dehors des terrains », comme annoncé par l’agent du Suisse à la création de Team8, fait de la Laver cup une étape logique dans l’après-carrière sportive du joueur le plus titré et aujourd’hui le plus adulé de tout les temps.
L’objectif de monter un business convaincant, justifié par la présence d’une constellation de stars du tennis, n’est donc pas porteur d’intérêt sportif. Il en faut donc beaucoup pour ramener vers soi tant d’investisseurs, jusqu’à utiliser le nom de Rod Laver, comme hommage au seul et dernier tennisman à avoir réalisé le Grand chelem (1969) sur une année et fierté d’une fédération australienne, l’un des grands soutiens financiers de la compétition avec l’investisseur philanthrope brésilien Jorge Paulo Lemann, 22ème fortune mondiale selon Forbes.
Le spectacle est de mise et le concept ouvert à tous, puisqu’il se déplacera chaque année dans une nouvelle métropole. Pour autant, ce cirque des lumières ne présage pas un avenir serein à la compétition, bulle économique par excellence et dont le risque d’essoufflement est conséquent. La présence de grandes stars joue aussi un rôle pour le moment, en attendant la prochaine génération de Top10 qui est voué à devenir bien moins historique que celle à laquelle nous regardons les plus beaux combats.