INTERNATIONAL. Mercredi 19 septembre, Cheo Mendieta, réfugié vénézuélien, est intervenu à l’IEP de Lille dans le cadre d’une conférence organisée par l’association Iniciativa, promouvant la culture hispanique. Dans un contexte de crise politique exacerbée depuis quelques années, les témoignages de terrain se font rares mais permettent de poser des images et des paroles concrètes sur les difficultés rencontrées dans ce pays, délaissé par les médias. Témoignage de Cheo, clef de lecture de la situation socio-économique au Venezuela.
Il y a 5 ans, Cheo Mendieta quittait son pays pour poser ses bagages à Lille et y entamer une nouvelle vie. La crise dans son pays n’a pas rendu les choses faciles pour ce jeune réfugié. « Quand je suis arrivé en France, j’ai perdu toutes mes économies », explique-t-il. Cheo a en effet eu la mauvaise surprise de voir son compte bancaire bloqué lors de son départ : une politique économique logique dans un pays en crise qui souhaite éviter de perdre des devises.
« J’ai reçu un mail du gouvernement pour me dire que mes études à l’étranger n’étaient pas la priorité de la nation », raconte-t-il face à un auditoire stupéfait par l’anecdote.
Une explosion générale des prix au Venezuela
Depuis le début de la crise, 5 millions de Vénézuéliens auraient quitté leur pays, selon les chiffres avancés par Cheo. En grande partie à cause de la situation économique et des problèmes liés à l’inflation. La chute du prix du baril de pétrole ces dernières années a plombé l’équilibre vénézuélien, qui reposait presque exclusivement sur l’exploitation de cette ressource.
Cette crise a diminué le revenu moyen des habitants ; dans le même mouvement elle a cassé leur pouvoir d’achat. Les denrées alimentaires de base sont devenues rares, y compris les aliments primaires tels que le lait pour bébé. « La bouteille d’eau qui est devant moi actuellement pourrait me permettre de faire 10 à 20 pleins d’essence au Venezuela », illustre Cheo.
Des phénomènes d’insécurité sans précédent
Si l’Amérique latine est représentée comme une plateforme matrice du trafic de drogue, au Venezuela, la nourriture elle-même peut actuellement être prétexte de violences physiques. « Ma mère n’ose même plus faire ses courses à pied, elle n’y va qu’en voiture ».
Plus encore, c’est l’anecdote suivante qui a glacé le sang du public ce mercredi. « Lors d’un déjeuner en terrasse, un de mes amis s’est fait tirer une balle dans la tête devant moi […] tout ça pour un téléphone portable ». Selon le réfugié, les actes de violence de ce type sont devenus presque banals et la délinquance a augmenté de manière spectaculaire pour tout produit ayant un minimum de valeur ajoutée.
Une dictature à part entière
Si Cheo était plutôt convaincu par Chavez (ex-leader de la révolution bolivarienne) durant sa jeunesse, il s’est littéralement opposé au régime tel qu’il se présente aujourd’hui. « Peu avant la crise, l’opinion publique ne ressortait pas réellement […] tous les médias privés ont été censurés à partir de 2002-2003 lorsque le régime a failli connaître un coup d’Etat ».
Depuis la reprise du pays par le Président Maduro, le régime vénézuélien s’est progressivement renfermé sur lui-même, en particulier à l’aide de pratiques électorales douteuses. Le chef de l’Etat tente de tenir bon dans un pays où l’opposition est ultra majoritaire. Après avoir remporté les élections législatives de 2015, la coalition La Table de l’unité (MUD) a été refoulée dès janvier 2016 par le Tribunal suprême de justice, jugeant nuls tous les votes de l’Assemblée Nationale.
Les manifestations pro-Maduro faisant l’éloge de l’action exécutive seraient également fictives. « Une partie de la population (parmi lesquels beaucoup de fonctionnaires. Ndlr) est obligée d’aller manifester en faveur du pouvoir sous peine de perdre son travail […] il y a même des listings pour vérifier si les employés sont bien allés manifester ».
Cheo Mendieta continue sa lutte grâce à une association humanitaire aidant les vénézuéliens à quitter leur pays, à travers une aide dans les démarches administratives. Mais il s’agit aussi d’envoyer des ressources au pays pour aider les plus pauvres, dans l’urgence médicale. « Nous travaillons avec les ambassades pour expédier les médicaments dans des balises diplomatiques » « On évite les voies traditionnelles ; un jour la douane vénézuélienne nous a saisi 30kg de médicaments ».