POLITIQUE. Le 26 mai dernier, les citoyens belges ont décidé du sort de leur pays. Le résultat des urnes révèle une Belgique coupée en deux. Le fossé est de plus en plus marqué entre le nord et le sud. Avec le parti nationaliste flamand (N-VA) et le parti socialiste wallon (PS) en tête, un compromis doit être trouvé pour éviter une nouvelle crise politique interminable.
« Un Etat ingouvernable ». L’expression utilisée maintes fois dans la presse belge fait certainement frémir de plaisir les indépendantistes flamands. Et trembler les socialistes wallons. Près de deux mois après les élections fédérales, aucune coalition ne semble voir le jour en Belgique. Le 26 mai dernier, les citoyens belges étaient appelés à voter pour les élections européennes, régionales et fédérale. Cette dernière a propulsé les extrêmes : au nord, le pays a viré à droite ; au sud, à gauche.
La Flandre a voté massivement pour les deux partis d’extrême-droite flamands, les nationalistes de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA) et le Vlaams Belang. En Wallonie, l’extrême-gauche du Parti de travail de Belgique (PTB) a progressé au point de devenir le 5e parti du pays. Tous les partis traditionalistes, sans exception, ont perdu des sièges. Dès lors, les négociations en vue de la formation d’une coalition tournent en rond, notamment entre les deux premières formations politiques, la N-VA et le parti socialiste (PS).
L’affrontement PS – N-VA
« La situation politique la plus difficile que la Belgique ait connu », reconnaît Elio Di Rupo, l’ancien Premier ministre belge et actuel président du PS, au micro de RTL-TVI.
Pour remédier à cette crise politique, deux « informateurs » reconnus pour leur expérience politique ont été nommés par le roi Philippe : Didier Reynders (francophone) et Johan Vande Lanotte (néerlandophone). Leur mission consiste à collecter les points de vue et souhaits des différents partis pour tenter de former une nouvelle coalition. Huit partis sont en lice : le PS, le MR, Ecolo, la N-VA, le CD&V, Groen, l’Open Vld et le SP.A. La tâche se révèle ardue au vu du positionnement du PS, notamment d’Elio Di Rupo qui refuse fermement une quelconque coalition avec la N-VA dont le but est la scission de la Belgique. Ce scénario (une coalition sans la N-VA) est inenvisageable du côté flamand où les électeurs ont voté massivement pour le parti nationaliste — qui a obtenu 25 sièges sur les 150 que compte la Chambre des représentants. Les nationalistes l’assurent eux-mêmes : ils n’accepteront pas un gouvernement fédéral où les partis flamands seraient minoritaires. Le parti nationaliste s’est dit prêt, si nécessaire, à faire sauter le cordon sanitaire qui empêche les partis d’extrême droite de faire leur entrée dans la majorité, et à former une coalition avec le Vlaams Belang. Ecolo et le CD&V sont opposés à cette possibilité.
Le président du N-VA, Bart de Wever, fidèle à la ligne politique de son parti, avance même l’idée du confédéralisme, un mode d’association entre différents États indépendants. Ces États seraient liés par un traité afin de gérer leurs intérêts communs. L’intention affichée du parti nationaliste flamand est de redistribuer toutes les compétences de l’Etat belge entre la Flandre et la Wallonie. L’histoire l’a démontré : le confédéralisme est essentiellement un régime de transition. Selon la ligne politique du N-VA, ce type de régime ferait office d’instrument pour s’orienter in fine vers une séparation de la Wallonie et de la Flandre.
Du côté du PS, cette option est inconcevable. Le président du parti défend bec et ongles une coalition réunissant les familles écologiste (Ecolo, Groen), libérale (MR, Open VLD) et chrétienne (CD&V). Excluant ainsi la N-VA.
Comme un goût de déjà vu..
En 2011, le PS et la NVA, les deux grands vainqueurs des élections fédérales de 2010, étaient déjà au coude à coude. Les négociations post-électorales ont vu s’affronter Bart de Wever et Elio Di Rupo. Il a fallu 541 jours et 7 médiateurs pour que le « gouvernement Di Rupo » se forme et que le souhait du président du PS s’accomplisse : exclure la NVA. La Belgique était alors détentrice du record de la crise politique la plus longue de l’histoire.
Le souvenir de la « coalition kamikaze »
Le dernier gouvernement en place était celui du futur président du Conseil européen et Premier ministre, Charles Michel. Son gouvernement, composé des partis libéraux (MR et Open VLD), du parti nationaliste flamand (N-VA) et du parti chrétien flamand (CD&V), est loin d’avoir fait l’unanimité. Les partis francophones l’ont toujours vu d’un mauvais oeil en raison de la place minoritaire qu’ils occupaient. Le seul parti francophone au commande était le MR, et le parti d’extrême-droite N-VA faisait son entrée au gouvernement fédéral pour la première fois. Un tel agencement lui vaut le nom de « coalition kamikaze ». Elle est également surnommée « la Coalition suédoise » en référence aux couleurs du drapeau suédois, le bleu (MR) et le jaune (N-VA).
Les craintes des francophones étaient fondées car, en décembre dernier, la coalition éclate. La N-VA, tenante d’une ligne dure en matière d’immigration, claque la porte à la suite de dissensions concernant la signature du pacte de Marrakech sur les migration promu par l’ONU. Le gouvernement devient alors minoritaire. Menacé par une motion de défiance déposée par la gauche, Charles Michel annonce sa démission à la Chambre le 18 décembre 2019. L’ancien Premier ministre a payé le prix de ce pari risqué et par la même occasion, perdu la confiance des nationalistes. Son gouvernement est depuis lors en affaires courantes. En d’autres mots, il ne dispose que de compétences limitées comme la gestion journalière du pays, les affaires en cours et les affaires urgentes.
Pour l’instant, la formation d’une coalition semble encore incertaine. Plus d’avancées sont à prévoir, dans le meilleurs des cas, le 29 juillet. À cette date, les deux informateurs sont tenus de remettre au roi une note de « préformation » qui devrait ressembler à une ébauche de majorité gouvernementale. Le résultat de ce rapport dépendra principalement de la progression des discussions entre les deux formations politiques incontournables, le PS et la N-VA, grands vainqueurs des élections.