CRITIQUE. Little Joe débarquait dans les salles britanniques en ce mois de février. La petite plante éponyme, objet de cette intrigue signée Jessica Hausner, entre thriller et science fiction, n’aura pas réussi à nous emballer.
Une plante qui rend heureux. Voilà ce qu’Alice (Emily Beecham) développe dans le laboratoire où elle est une employée respectée. Très vite il s’avère que Little Joe n’a pas les effets escomptés.
Les premières minutes de Little Joe sont prometteuses. Une réalisation remarquable qui parvient à rendre une serre oppressante, des dialogues juste assez lunaires pour donner le ton. Par de longs travellings, on se promène au-dessus des plantes. L’ambiance pèse au dessus des personnages. Au travers des couloirs immaculés, on découvre peu à peu le laboratoire, ses acteurs et la fleur éponyme. La tension est déjà présente en germe et il nous tarde de découvrir ce que la réalisatrice va en faire.
De l’art de sonner faux
Casting réduit promené dans quatre lieux seulement, bande son limitée à quelques motifs pesants, la couleur rouge réutilisée jusqu’à la saturation… On l’aura compris Little Joe se veut minimaliste. Par le choix d’une seule et même intrigue étirée sur une bonne heure quarante cinq. Jessica Hausner fait le pari de la simplicité. Less is more. Is that so ?
Jessica Hausner joue des limites du vraisemblable. Son casting est en rupture avec le jeu hyperréaliste auquel le cinéma nous habitue souvent. Les dialogues semblent répétés, la manipulation est visible. On croit d’abord que c’est le fait de la plante. Les gens ne sont plus eux-mêmes, tentent de défendre Little Joe coûte que coûte. Puis quelques phrases tombent sans cohérence. S’accumulent des descriptions de la situation.
Même en décrochant son film de tout ancrage temporel, de toute réalité sociale, Jessica Hausner ne parvient pas à nous faire perdre nos repères. On pourrait comprendre la déconnexion comme parti pris. Un monde irréel comme miroir de nos absurdités. Mais la science fiction s’avère timide et prend le parti de placer tous ses enjeux dans le futur (on attend avec impatience Little Joe 2).
Il ne faudrait pas pousser
Si Alice exprime de plus en plus de doute, on décroche très vite. Trop de clarté pour véhiculer la confusion. Certes, l’équipe de scientifique et la famille tendent à se confondre tant Alice peine à trouver l’équilibre entre vie domestique et professionnelle. En témoignent les plats à emporter qu’elle commande chaque soir à son fils. Certes, les raisons qui la poussent à douter de chacun de ses collègues sont de plus en plus probantes. Mais les soupçons sont simplement posés comme des évidences. Si elle pense un personnage infecté, alors il l’est. Le jeu sur les frontières de la folie aurait pourtant trouvé son intrigue idéale.
Little Joe ne prend pas. Les incidents sont pourtant là, de plus en plus nombreux, mais ils sont rendus insignifiants. La tension se perd entre deux scènes. Pire, elle semble artificielle : expliquée bien plus palpable. Par la lassitude, le manque de crescendo, les répétitions musicales, esthétiques, narratives semblent poussives. Elle est un personnage à deux facettes et on se lasse vite du volte face. Bonne mère, bonne employée ne riment pas (nécessairement) avec bon personnage. Sa psychothérapie elle-même ne sert qu’à verbaliser ce qui est déjà montré à l’écran. Jessica Hausner nous explique ce que l’on doit ressentir.
De toutes les failles d’un film qui s’annonçait subtile, la redondance semblait la dernière attendue au tournant. En somme, Little Joe ne nous a pas rendus heureux puisqu’il ne donne pas dans sa structure narrative la montée dont sa mise en scène était la promesse. Une déception dont il faudra toutefois saluer l’audace.