Il est 17h. Le bruit des bombes de peinture et de la musique parvient à nos oreilles. Curieux et curieuses s’entassent en formant un public admiratif. Les artistes et bénévoles s’attèlent à leur mission. Le terrain, peu entretenu et morne sous le pont du boulevard périphérique, disparaît et laisse peu à peu la place à un décor coloré et vivant.
D’un passage oppressant à une galerie d’art unique
Né en mars 2021, le Spot 13, en référence à la Chambre 13, n’existe que depuis quelques mois. Gratuit et accessible à tous, ce nouveau lieu branché d’art urbain, mêlant street-art, graffitis, collages et pochoirs, immerge les visiteurs curieux au cœur d’un univers artistique inédit.
Avant l’apparition du Spot 13, le quartier était laissé à l’abandon. Audrey, habitante du quartier, confie que « ce passage était assez glauque et que la plupart des habitants ne s’y sentaient pas en sécurité ». Au premier abord, l’emplacement, situé en dessous du tramway et composé de salles lugubres et très obscures, peut paraître intimidant. Mais Joko, président de l’association, ancien assistant galieriste au Lavo//matik, constate que « l’art était en général mis en berne » dans ce quartier. Il est convaincu que donner un coup de peinture révèle le potentiel de ce lieu insolite.
Cet événement est l’un des premiers organisés depuis la création du Spot 13, recevant autant de soutien de la part des habitants que de la mairie du 13ème arrondissement. Le président du Spot 13 amusé, se rappelle qu’« au début, les habitants se posaient des questions », ce que confirme Audrey, résidente du quartier. Pourtant, la promesse de Joko de transformer ce passage sombre et oppressant en une galerie d’art unique les rassure. Pour Audrey, désormais « le lieu n’a vraiment plus rien à voir » avec ce qu’il était auparavant. « Mon fils de huit ans s’essaie même à la bombe sur le mur d’expression pour les enfants », ajoute t-elle, le sourire aux lèvres. Un sentiment partagé par la plupart des voisins, qui ont noué une véritable relation de confiance et de proximité avec Joko et le Spot 13.
« Une vitrine d’exposition pour les jeunes artistes qui débutent »
Parmi les différentes fresques réalisées pendant l’événement, une toile retient particulièrement l’attention des spectateurs. Un fond uni bleu turquoise et un petit garçon au centre de la toile, qui prend vie sous les coups de crayon de son grand frère, Clément Herrmann.
Étudiant en école d’art graphique, le jeune artiste nous confie avec émotion : « Je fais mes études à Paris, loin de mes proches qui me manquent et grâce au Spot 13 et à Joko qui nous laisse des murs libres pour nous exprimer, je peux les immortaliser et les avoir près de moi ». Il ne s’agit pas de sa première expérience au Spot 13, puisqu’il a déjà rendu hommage à ses cousins à côté du mur d’expression pour les enfants.
Pour Clément Herrmann, « le Spot 13, c’est une vraie vitrine d’exposition pour les jeunes artistes qui débutent. » Depuis son lancement, Joko a vu passer plus d’une centaine d’artistes en insistant sur l’éphémérité des œuvres. Certaines restent plusieurs jours, d’autres plusieurs semaines. Ce parti-pris plaît aux résidents du quartier mais aussi aux visiteurs réguliers. Neveser Aksoy, une habituée, se réjouit que le Spot 13 soit « en constante évolution » pour son « plus grand plaisir ». Elle ajoute qu’ « un évènement comme celui d’aujourd’hui, ça dynamise d’autant plus le quartier ».
Pour ceux qui pensent encore que l’art urbain ne touche que le jeune public, cette galerie à ciel ouvert prouve le contraire. Jean Claude Smondack, 72 ans, ancien prof de philosophie, nous indique qu’une des forces du Spot 13 est qu’il parvient à toucher un public issu de tous âges et de tous horizons : « Cet endroit est vraiment génial, grâce à lui ma femme et moi éduquons nos petits enfants au street-art. » Fermement opposé aux préjugés dissociant l’ancienne génération et l’art urbain, il défend l’idée qu’ « on ne peut pas s’arrêter à Léonard de Vinci, et le Spot 13 nous donne une belle leçon d’art et d’ouverture d’esprit. »
Les bâches peintes resteront encore pendant plusieurs jours, Joko vous invite donc au Spot 13 pour « venir vous soigner par l’art ! »