Janvier 2011, les rues égyptiennes s’enflammaient aux pas de milliers de personnes. En cause, les dégradations politiques et sociales causées par le gouvernement d’Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. L’homme démissionnera 18 jours après le début des manifestations, face aux pressions du Printemps arabe. Mais le souffle de liberté qu’insuffla cette révolution fut rapidement coupé, suite à la prise de pouvoir de Mohammed Morsi en 2012, puis l’année suivante, avec le coup d’état de l’actuel président Adbel Fattah al-Sissi. Six ans après la révolution, ce désir de libération est toujours au point mort.
Aujourd’hui, les traces de cette insurrection ont disparu pour laisser place à un régime autoritaire, où le mot liberté ne semble plus avoir de sens. Reporters Sans Frontières classe l’Égypte au rang de 161ème dans son classement mondial de la liberté de la presse en 2017. Quant à Amnesty International, elle dénonce notamment, dans son rapport de 2016/2017, un recours excessif à la force, des arrestations et des détentions arbitraires, l’usage de la torture ou encore des procès inéquitables. Face à cette situation, la jeunesse égyptienne, à l’origine de la révolution, semble avoir perdu l’espoir d’une vie démocratique et libre. Pour autant, ce soulèvement aura marqué les esprits, c’est ce que tentent de mettre en lumière plusieurs artistes au travers, notamment, de courts et longs métrages.
Portraits de désillusions
Khaled Khali a réalisé un court-métrage, surnommé « Egyptian Misery« , qui a fait le buzz cet été en Égypte. Le cinéaste égyptien y dépeint une génération pleine d’incertitudes sur son avenir. Chômage, religion, sexualité, sont au cœur du désarroi de ces jeunes hommes. Leur quotidien est marqué par la répression du gouvernement et de la société.
L’artiste ne compte pas s’arrêter là, puisqu’il prévoit déjà un nouveau court-métrage, cette fois-ci au sujet du mal-être des femmes. Un problème plus que d’actualité en Égypte, alors que la ville du Caire vient d’être jugée la plus dangereuse au monde pour celles-ci, dans une étude de la fondation Thomson Reuters.
Une révolution qui a tout de même marqué les esprits
La photographe belge Pauline Beugnies est arrivée en Égypte en 2008. Elle a suivi les révoltes du Printemps arabe auprès de la jeunesse. Les manifestations Place Tahir, les face à face avec les policiers, la joie suite à la démission d’Hosni Moubarak, elle les exposent dans sa série de photos The Revolution of the Youth.
L’artiste poursuit ensuite son projet, les années suivant la révolution. Il en ressort Génération Tahir, une réalisation transmédia qui a donné lieu à une exposition, un web-documentaire, un livre photo et un film. Le long-métrage est la dernière production en date, diffusé en salle cette année. Il tourne autour de quatre personnages : Ammar, Kirilos, Soleyfa et Eman. Tourné à l’orée du 5ème anniversaire de la révolution, Pauline Beugnies y retrace les évolutions et les questionnements de ces acteurs du Printemps arabe.
Un contexte politique tendu
À ce jour, les Égyptiens sont bien loin des révoltes de 2011. La nouvelle Constitution adoptée en 2014, censée offrir plus de libertés, est loin d’être appliquée. L’actuel président Adbel Fattah al-Sissi fait régner la terreur. Ses principales cibles ? L’organisation des Frères musulmans, premier opposant au gouvernement. La communauté LGBT, elle aussi, est victime de fortes répressions. Fin novembre, quatorze hommes, soupçonnés d’homosexualité, ont été condamnés à trois ans de prison pour « pratiques sexuelles anormales » et « incitation à la débauche ». Quant aux femmes, la misogynie de l’État égyptien les cantonnent maintenant à un rôle second.
Le pays est aujourd’hui en guerre contre l’État Islamique, le groupe terroriste ayant profité de la révolution pour conquérir le nord du Sinaï. Depuis 2013, l’armée égyptienne n’a jamais réussi à reprendre en main cette région à la frontière d’Israël. Un bon prétexte pour asphyxier cet élan de liberté.