RUGBY. Le XV de France est de retour après cette période sombre agrémentées de débâcles, de règlements en interne poussant Guy Novès à la porte, et de constitution d’un nouveau staff à quelques semaines du Tournoi des 6 Nations. Or mais voilà, les remaniements sous la houlette de Bernard Laporte, président de la Fédé, sont sous le poids de l’incertitude. Demain, le XV de Jacques Brunel, tout juste promu à la sélection nationale, passe un examen d’entrée extrêmement relevé en accueillant l’Irlande, vice-champions d’Europe de l’an passé.
Mi-décembre, Bernard Laporte passe à l’attaque. La tournée de test-matches s’est avéré catastrophique (3 défaites et un nul face au Japon sur le terrain du Racing) après un été calamiteux en Australie. Guy Novès est pointé par sa direction comme le responsable des maux de la sélection. L’ex-coach de Toulouse, quadruple vainqueur de la Coupe d’Europe, est brutalement débarqué. Un remplacement inédit, le premier dans l’ère du rugby français, et regrettable pour beaucoup, à l’image de l’ex-captain’ français, Thierry Dusautoir : « La manière n’a pas été, je trouve, respectueuse et même humiliante. » Le désormais ex-sélectionneur l’aura mauvaise, protestant contre son éviction. Récemment il a rappelé au Parisien l’ingérence cynique de la Fédé de ces derniers mois :
« Les interventions de Serge Simon (NDLR : vice-président de la FFR) ont altéré l’efficacité de mon discours. Comme [..] lorsqu’il a autorisé deux joueurs du Stade Français à quitter le groupe alors que j’avais dit le contraire ! Ce sont des moments que je n’avais jamais connus dans ma carrière d’entraîneur. Cela a sapé mon autorité. »
Derrière cette bataille d’egos entre deux fortes personnalités se cache en réalité le tableau noir d’une telle révocation. Les résultats parlent pour Laporte ; l’infructueuse quête d’une charnière stable entre Machenaud, Serin, Lopez et autres Dupont, un XV qui a subit moultes rotations de joueur (74 essayés en 2ans) et un mental collectif à la rue. Mais qu’en est-il de l’état du rugby français loin d’être dépendant du travail de Novès et son staff. L’homme est difficilement responsable d’un échec global sur tout les plans.
Le prix de l’audace
Ainsi Jacques Brunel a eu les faveurs des auspices laportiennes. On l’avait déjà connu aux côtés du futur président de la FFR, en tant qu’adjoint, durant la période faste 2001-2007 avec 4 tournois des 6 nations et deux demies-finales de Mondial. Jacquot est un bricoleur et un meneur d’hommes affirmé. Pourtant, le mur face à lui est implacable. Remettre une équipe de France en ordre de marche. Qui plus est, en ouverture des 6 Nations face à l’Irlande. Autant dire que Brunel nage en eaux troubles. En si peu de temps, la recette risque de ne pas être si compliquée.
Tout d’abord, avoir « une équipe pétillante, volontaire, qui prenne son destin en main », ensuite faire « honneur [au] maillot bleu » comme annoncé dans sa première conférence de presse. Pour les détails de jeu, on passera. « Faire simple » nous rabâche t-on. Il n’empêche que le ressenti avec les joueurs penche positivement. « On se régale », souligne Benjamin Fall au terme des deux semaines de mise à niveau à Marcoussis. La bonne humeur est présente. Comme sous Novès peut-on se dire.
Le sentiment de nouveauté en plus et les défaites (pour l’instant) loin des esprits. C’est sans attendre la première composition d’équipe concoctée de l’ère Brunel. Le prix de l’audace à la clé avec une charnière neuve composée de Machenaud à la place de Parra, blessé, et du très jeune Bordelais Matthieu Jalibert. Kevin Gourdon est quant à lui replacé en 8, profitant de la non-sélection de Picamoles, pour un choc attendu face à son homologue du Trèfle, CJ Stander. Dulin blessé, le coach a finalement jeté son dévolu sur le Castrais Geoffrey Palis « à l’aise sous les ballons hauts et sur jeu au pied ». Enfin, la titularisation d’Arthur Iturria, 23 ans, est la jolie surprise aux avants-postes auprès de son compère clermontois, Vahaamahina.
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Baptême de feu
Avec autant de choix forts et de confiance accordée à de simples bizuths, Brunel marque les esprits. Tant pis pour Dupont à la charnière. Jalibert bombardé titulaire d’entrée, tout juste fêtés ses 19 années en novembre, peut s’attendre à un baptême de feu au Stade de France. Fall n’a aucun doute là-dessus :
« On va se faire arroser de partout. »
Notamment en face, de la part d’une charnière Sexton-Murray, référence mondiale toutes sélections confondues. Ça schlingue l’expérience certes. Cependant chez Jacques, pour rien au monde on se priverait de faire un coup. En 2009, après deux saisons acharnées, il avait fait de Perpignan un champion de France pour la première fois depuis 1955. L’homme s’évertue à tenter sa chance quitte à jouir de son statut d’outsider : « Je suis très content qu’on ne soit pas bon, nul, mauvais, considéré comme la cinquième nation du tournoi ». Le match face à l’Irlande n’en reste pas moins qu’un point de repère. Les Bleus ont tout intérêt à se montrer dans un autre état d’esprit que celui de novembre.
L’impression globale sur le tournoi doit être positive. L’an passé, la victoire à l’arrachée face aux Gallois dans l’extra-time (20-18) avait séduit le public. Le temps manque à son staff technique. La perspective du mondial 2019 semble éludée. Ne parlons même pas de la coupe du monde 2023 rapportée en France sans le moindre enthousiasme. L’heure est à samedi, afin de démarrer, qui sait, un cycle de certitudes.