ENVIRONNEMENT. Suite au désistement du Chili, c’est la ville de Madrid qui a accueilli la COP25. Du 2 au 15 décembre, une myriade d’acteurs a foulé la Feria de Madrid dans l’espoir d’un changement. Si les décisions adoptées sont parfois jugées décevantes, les optimistes défendent un bilan honorable de cette vingt-cinquième édition.
La COP de Madrid portait de nombreuses promesses. Le temps d’un accord suffisamment engagé et réaliste semblait enfin venu. À l’heure du bilan, ses résultats peinent pourtant à convaincre. Comment expliquer le manque d’engouement à l’issue de cette vingt-cinquième édition ?
Un arrière-goût d’échec
Alors qu’il était attendu que les signataires de l’accord de Paris (2015) proposent des engagements ambitieux, les attentes ont été revues à la baisse. C’est un accord a minima qui a été négocié à Madrid. De quoi creuser davantage son déficit de crédibilité.
La réalité de la COP est la suivante : à chaque pays sa situation, sa volonté politique et sa responsabilité. Tous ne partagent pas le même point de vue sur le concept-même de « pollution atmosphérique ». Les États-Unis incarnent ce décalage. Le scepticisme du 45ème Président des États-Unis à l’égard du réchauffement climatique a fait couler beaucoup d’encre, en témoignent ces tweets incendiaires.
Mais la position contestataire des États-Unis ne peut pas être imputée qu’à Donald Trump. En 1997, la non-ratification par la première puissance mondiale du Protocole de Kyoto – premier instrument juridiquement contraignant pour les États, obligés de réduire leur émission de gaz à effet de serre – a ouvert la voie à une série de désaccords et de vaines négociations. En novembre 2019, Trump engage le retrait officiel des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, fruit de la COP21 (2015). Dans un communiqué, le secrétaire d’État Mike Pompeo qualifie l’accord de « fardeau économique injuste imposé aux travailleurs, entreprises et contribuables américains. » Preuve que le refus de reconnaître le réchauffement climatique est un discours institutionnalisé, relayé par les têtes pensantes de l’État.
Cette fragmentation ralentit le processus décisionnel et complexifie le consensus, d’autant plus que les résolutions doivent être adoptées à l’unanimité. Puisqu’un État équivaut à une voix, les « petits » pèsent autant que les « grands » sur le papier. Or, il est évident que si les États les plus pollueurs – les États-Unis, la Chine ou la Russie – ne montrent pas l’exemple, il sera difficile d’imposer aux pays moins développés une marche à suivre. Comment imaginer que les pays en voie de développement acceptent de freiner leur expansion quand ils constatent l’inaction des plus puissants ? Pour que la COP gagne en efficacité, il faudrait atteindre un consensus global, un compromis où chaque État mettrait de côté ses intérêts personnels pour privilégier l’intérêt général.
Un défi organisationnel de taille
Une telle conférence ne s’arrange pas en un claquement de doigts. Dans les faits, la préparation de la conférence n’a rien eu d’un long fleuve tranquille. Initialement prévue au Chili, le Président de la République Sebastián Piñera a renoncé à accueillir la COP25 pour des raisons d’ordre public. La ville de Madrid a relevé le défi d’organiser en seulement cinq semaines un évènement qui requiert normalement un semestre entier de préparatifs. La Ciudad Real a rapidement su disposer des infrastructures nécessaires : un aéroport de haute capacité, des places hôtelières et surtout le Palais des Congrès Feria de Madrid.
La capitale espagnole n’en était pas à son coup d’essai. En 2018, la ville avait connu une situation similaire et accueilli dans son stade Santiago-Bernabéu la finale de la Copa Libertadores, le championnat de football d’Amérique du Sud. Un marqueur d’efficacité qui a probablement joué dans la décision finale du Chili au moment de se choisir un successeur. Grâce à sa casquette d’hôte, la ville de Madrid a perçu des retombées économiques conséquentes, à hauteur de 30 millions d’euros.
La COP, un état d’esprit
Certes, les décisions politiques majeures naissent des négociations entre dirigeants, mais la COP25 ne peut se résumer à une simple table-ronde diplomatique. Véritable forum de discussion, d’échange et de partage, elle est la vitrine des combats de nombreuses associations engagées pour l’environnement. Si les médias ont révélé les déboires de la COP25 au niveau politique, le succès de cette conférence se jouait sur des terrains parallèles, à moindre échelle, et mérite d’être souligné. Les inscriptions sur les murs de la station de métro Feria de Madrid en donnaient immédiatement le ton.
Loin des jeux de puissance, la « zone verte » a été pensée pour encourager l’expression participative, interactive et inclusive de la société en faveur de l’action climatique. Cet espace ouvert, accessible à tous, réunissait de nombreux acteurs : institutions publiques, scientifiques, associations, syndicats, organisations inter-gouvernementales (ONG), entreprises, collectivités territoriales, représentants de minorités et citoyens. Tous avaient un rôle à jouer dans cette campagne de sensibilisation, menée avec brio.
Les visiteurs étaient amenés à se laisser porter au gré des conférences organisées en continu pendant la quinzaine.
Un évènement d’une telle ampleur profite également aux militants en quête de visibilité.
Les organisateurs ont tenu à rappeler que même à l’échelle individuelle, chaque geste compte. Au quotidien, chacun peut adopter des habitudes respectueuses de l’environnement, comme le tri sélectif.
Malgré le changement de cap géographique, le Chili tenait à être présent à Madrid. Dans la « zone verte » dédiée aux visiteurs, une exposition sur le changement climatique donnait voix au pays. À l’occasion d’un concours national, 2 600 écoliers chiliens ont exprimé leur préoccupations à travers le dessin et la peinture.
Les voix du futur
C’est ce même refus de tomber dans l’inaction qui anime Greta Thunberg, devenue la figure de proue de la lutte contre le réchauffement climatique. La semaine suivant la COP25, l’adolescente suédoise faisait la une du Time Magazine, sous-titrée « Le pouvoir de la jeunesse ». Par la même occasion, elle était désignée « personnalité de l’année » 2019.
Comme Greta Thunberg, des centaines de jeunes madrilènes ont fait porter leur voix pour défendre la planète. Les écoles de la capitale avaient organisé divers projets pour que les élèves réfléchissent et développent une approche personnelle sur cette thématique.
Pour Miguel Ángel de la Fuente Casamar, les résultats de cette COP n’ont rien d’étonnant. Selon ce professeur en science politique à l’Université de Madrid, la conférence « suscite davantage d’attentes du côté des médias et des citoyens que de celui des experts en relations internationales. » Au forum, les personnalités politiques ont également pris la parole, sous les flashs des journalistes venus en nombre.
En réalité, la COP25 a atteint son objectif : sensibiliser les citoyens aux enjeux environnementaux, dans l’espoir qu’ils fassent pression sur leur gouvernement. Après chaque COP, les partis politiques se sentent obligés d’inclure cette thématique dans leurs propositions électorales, ce qui représente déjà un succès
Miguel Ángel de la Fuente Casamar, Universidad Complutense de Madrid
C’est cette même ambition qui guide l’association REFEDD (RÉseau Français des Étudiant.e.s pour le Développement Durable), présente sur les campus de 48 villes françaises. Dans le cadre de son service civique, Eloïse Lehmann, chargée de projet Transition énergétique, a participé à l’organisation de la newsletter « Dans les coulisses de la COP25 ». Les dix étudiants volontaires, qui « refusaient de se rendre au Chili en avion » ont finalement pu se déplacer jusqu’à Madrid pour couvrir les conférences.
Sur place, chaque membre de la délégation avait au préalablement choisi de suivre un sujet abordé lors de cette COP : article 6, Contributions Déterminées Nationalement (CDNs), océan, Action Climate Empowerment (ACE)
Eloïse Lehmann, REFEDD
Le format instantané de la newsletter leur a permis, chaque soir, de publier plusieurs articles afin d’informer les abonnés en temps réel. Avec 230 inscrits, Eloïse Lehmann tire un bilan positif de cette première expérience. En janvier, les membres de REFEDD prévoient d’intervenir « dans différentes universités et écoles pour parler de [leur] expérience » et de réaliser une exposition à l’Ecole Nationale Supérieure (ENS).
Prochain rendez-vous à Glasgow du 9 au 19 novembre 2020 pour la COP26.