CR7 de retour à Manchester United, Messi au PSG, qui aurait pu y croire ? Une fois de plus, cet été, le mercato a réservé son lot de coups de théâtre. Il y a quelques années, les « gros coups » représentaient une portion rare d’exceptions à la règle, les transferts faramineux sont désormais le quotidien des mercatos depuis quelques saisons.
Car depuis l’arrivée de Gareth Bale – premier joueur de l’histoire transféré pour plus de 100 millions d’euros – au Real Madrid en 2013, les montants des transferts n’ont fait que grimper sans limite ou presque. Les arrivées historiques de Neymar (222 millions d’euros) et Mbappe (180 millions d’euros) au PSG en 2017 semblent avoir banalisé les transactions à plus de 100 millions d’euros sur le Vieux continent, alors même que seulement trois joueurs dans l’histoire avaient coûté plus de 75 millions d’euros avant l’arrivée de Bale au Real.
Si à l’époque le transfert du percutant ailier gallois avait suscité la fascination, personne ne pouvait imaginer la terrible inflation des prix du marché qui allait en suivre et les conséquences que celle-ci allait avoir sur le monde du ballon rond.
Un football qui s’écarte de ses valeurs fondamentales
Le football est désormais plus que jamais régi par la loi du plus fort, à savoir, la loi du plus riche. L’arrivée massive d’investisseurs étrangers a profondément chamboulé les hiérarchies footballistiques ces dernières années. Les clubs sont rachetés les uns après les autres, remettant ainsi en cause l’intérêt même du jeu.
Le PSG (Qatar Sports Investments) ou encore Manchester City (City Football Group) en sont les exemples les plus criants. Tout comme Newcastle, modeste dix-neuvième de Premier League, qui vient tout juste d’être racheté par le PCP Capital Partners, un fond saoudien doté d’une capacité financière de plus de 400 milliards d’euros, du jamais vu.
Les clubs parisiens et mancuniens étaient des clubs de second rang il y a à peine plus de dix ans. Manchester City était dixième de Premier League en 2009, pire, Paris était treizième de Ligue 1 en 2010. Désormais, ces deux clubs sont à coup sûr les deux institutions les plus puissantes et influentes en Europe, posant par ailleurs la question de la légitimité de leur succès. Pourquoi eux et pas les autres ?
« En fin de saison, on craint pour Fofana et pour Clauss »
Ce sentiment d’injustice qui anime leurs concurrents et leurs supporters n’a jamais été aussi fort. A raison. Il y a encore 15 ans, être un grand club de football reposait davantage sur la gestion interne du club et la capacité des clubs à faire émerger de grands footballeurs dans les centres de formation. Les grandes équipes du passé reposaient en effet largement sur des purs enfants de clubs. Les exemples en sont nombreux. L’AC Milan de Maldini, Baresi & Cie, le Manchester United de Scholes, Giggs et Beckham ou encore plus récemment, le grand Barça de Messi, Xavi ou Iniesta.
Aujourd’hui, les sentiments ont disparu, les belles histoires d’amour aussi. Le doute est permanent, tout comme la peur chez les clubs moins puissants de devoir céder leurs meilleurs éléments. Théo Maturel, fervent supporter du RC Lens, actuellement dauphin du PSG en ligue 1, s’inquiète justement de voir les meilleurs joueurs de son équipe quitter le club si les « sang et or » continuent sur leur lancée : « C’est la grosse crainte que j’ai. En fin de saison, on craint pour Fofana et pour Clauss qui est annoncé en équipe de France mais devra rejoindre un grand club pour y accéder. Et s’il est amené à partir, la saison prochaine sera très compliquée, tout comme si Fofana ou Kalimuendo partaient, c’est toute la colonne vertébrale du club qui se casserait la figure. »
Où est passé l’amour du maillot ?
Un joueur peut déclarer son amour inconditionnel pour un club un jour et s’en aller ailleurs pour un meilleur salaire le lendemain. Rien que cet été, les nombreux transferts confirment cette tendance alarmante. Quelques-uns d’entre eux, impensables il y a quelques mois, ont eu lieu. Si tous ne répondent pas à cette logique économique – on peut notamment penser à Messi et Ramos qui ont clamé leur volonté de rester dans leur club de cœur – certains ont des motivations qui interrogent.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’ancien défenseur du Real et « La Pulga » ont rejoint la capitale parisienne : le PSG était certainement le seul club à pouvoir assumer les salaires faramineux – respectivement 41 millions et 15 millions d’euros par an – des deux joueurs. De nos jours, les footballeurs préfèrent être mieux payés dans le sixième championnat européen plutôt que de l’être moins dans le meilleur.
De Donnarumma au PSG à Sancho à Manchester United, en passant par Calhanoglu à l’Inter ou, plus anciennement, Griezmann au Barça, la liste serait trop longue à énumérer, mais les exemples de « trahisons » ou de départ aux motivations presque cupides sont nombreux.
Il n’est désormais plus uniquement question de construire une équipe pour les clubs, sinon d’aligner le plus de stars dans une optique commerciale. A Paris, quel intérêt de garder autant de talents offensifs dans un effectif qui souffre davantage de cette guerre d’égos qu’elle n’en tire profit et de supporter leurs salaires colossaux, si ce n’est pour donner de la visibilité au club et vendre des maillots ?
La rhétorique est similaire pour Manchester United, qui dispose d’un grand nombre d’attaquants, mais continue de recruter à prix très élevé dans ce secteur : Sancho est arrivé cet été pour 80 millions d’euros, accompagné de Ronaldo, dont le salaire s’élève à 26 millions d’euros par an, questionnant la stratégie du projet sportif du club.
Chroniqueur chez Eurosport, Philippe Auclair l’affirme : « La stratégie [de Manchester United] est commerciale avant d’être sportive. L’accent a été mis sur les performances commerciales, qui restent excellentes et tiennent la comparaison avec Manchester City et Liverpool. Mais il n’y a pas de stratégie sportive à long terme ». De quoi faire réfléchir sur la triste mentalité des dirigeants de certains grands clubs actuels.
Totti, Xavi, Maradona, Gerrard, Maldini, autant de légendes que de souvenirs, tous adoubés au sommet de leur gloire, et tous pleurés au moment de leur départ. Aujourd’hui, les “one man one club” sont clairement en voie d’extinction, s’ils n’ont pas encore disparu. Les quelques Koke et autres Lorenzo Insigne ont encore un semblant d’honneur, mais pour combien de temps encore ? Quand certains joueurs laissent espérer que le romantisme ne s’est pas complètement envolé — l’histoire de Donnarumma à Milan était belle — la réalité refait surface, et avec elle, la déception de tout un peuple.