Rodé à la scène en tant que bassiste des groupes Rhum for Pauline, Elephanz ou encore Pégase, Thibaud Vanhooland est devenu un orchestre à lui seul. Multi-instrumentiste, il jongle entre instruments et bidouillages par ordinateur et promène tranquillement son nouveau projet, sous le nom « Voyou ». À l’occasion de la dernière date française de sa tournée, nous l’avons rencontré après son passage sur la scène Grall aux Vieilles Charrues.
Worldzine : Après Rhum for Pauline ou encore Elephanz, tu te lances en solo. Pourquoi as-tu pris cette décision ? Que recherchais-tu à ce moment là que tu ne retrouvais pas dans tes groupes ?
Thibaud : C’était un peu compliqué, je venais de finir la tournée de Pégase et de Elephanz. Avec Rhum for Pauline on a sorti notre album, qui n’a pas trop marché alors qu’on avait passé vraiment beaucoup de temps à le composer, 3 ans et demi. Ce qu’il s’est passé, c’est que je ne prenais plus tant de plaisir que ça à faire de la musique à ce moment là, parce qu’on avait passé tellement de temps à travailler pour aucun résultat que c’était super dur de s’amuser. Ce projet est né de ça, je me suis retrouvé à faire de la musique chez moi, à retrouver le goût de l’amusement et à me permettre de faire tout ce que j’avais envie ! Ça m’a toujours beaucoup frustré de ne pas pouvoir faire tout ce que je voulais dans mes groupes avant, donc revenir chez moi m’a permis d’enlever toute cette frustration, et de pouvoir reprendre du plaisir avec les groupes dans lesquels je jouais.
D’ailleurs, d’où vient ce nom, « Voyou »?
Je ne sais jamais trop quoi répondre à cette question ! J’aime bien ce mot là en fait. J’aime bien le fait que ça ne soit pas un truc qui soit que moi. Quand les gens voient ça sur une affiche ça peut les ramener à quelque chose d’eux et pas que à la musique que je fais ou à moi. J’aime bien aussi la dualité du truc, que ça puisse être à la fois un peu dur, et à la fois un petit surnom un peu mignon. Ça permet d’avoir plusieurs angles d’approche différents et de pouvoir coller ça à plusieurs musiques. J’aime bien faire beaucoup de choses qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, en tout cas j’essaye de mettre des textures super différentes, du coup ça me va bien d’avoir un nom qui soit un peu multi-facettes comme ça.
Quand on voit la nouvelle scène électro-pop française émergente (La Femme, Pépite, L’Impératrice, etc…), on se dit que c’est un défi à relever de se lancer là-dedans. Est-ce que c’est aussi quelque chose qui qui t’a envie ?
Oui forcément ! En fait ça décomplexe beaucoup. Quand des groupes comme La Femme, Flavien Berger ou Bagarre sont arrivés sur la scène française, en faisant de la musique en français, qui était inspirée de musique indépendante, ils ont vachement décroché le chant en français de la variété française ou de la chanson française. Ça m’a donné envie et ça a donné des ailes à plein de projets je pense. Tu te dis « ok je peux me permettre de faire tout ce que j’ai envie parce qu’il y a déjà des mecs qui sont en train de le faire, et y’a des gens qui ont envie écouter ça ! ».
Pendant ton concert , on peut remarquer des similitudes avec d’autres artistes émergents américains de la nouvelle scène garage psyché, comme Mac DeMarco par exemple, autant dans ton jeu de scène que dans ta musique. Est-ce que c’est aussi un univers, un courant qui t’a influencé ?
Oui, mais pas que lui ! Plein de groupes comme ça ! Je suis un boulimique de musique ! Tous les trucs un peu nouveaux, j’aime bien les découvrir, ça m’intéresse à fond, et toute cette scène là aussi. Je crois que ça a commencé vers 2012 quand des projets commençaient à sortir de partout ! T’avais Mac DeMarco, puis plein de trucs différents, Tame Impala a lancé un peu ce truc là ! Il y a énormément de groupes comme ça qui m’ont inspiré dans cette scène là. Ils ont un son très particulier aussi, Mac DeMarco, Deerhunter ou Mount Kimbie ! C’est des groupes qui ont, mine de rien, rien à voir mais le point commun qu’ils ont c’est qu’ils ont tous une texture qui leur appartient et une manière de faire de la musique qui est vachement axée sur le son, sur les sonorités. Et en jouant des choses très simples, si jamais tu arrives à trouver quelque chose de particulier dans le son, ça te permet de le rendre original, et c’est ce qui m’a plu dans ces groupes là. J’ai beaucoup de vinyles d’eux chez moi et je continue à les écouter… Le premier vinyle de Mac DeMarco que j’ai acheté c’était le tout premier, il y a longtemps, et je continue encore à l’écouter aujourd’hui ! Parce que ça correspond toujours à un moment de ta journée, de ton année…
C’est justement un mouvement qui prend ses racines dans le surf rock des années 70, puis 80… On peut citer The Pixies par exemple, ce sont des groupes que tu aimes écouter également ?
Les Dixies, j’ai eu une grosse période ! Ça fait longtemps que j’écoute plus trop ce groupe mais quand je ré-entends les morceaux, je trouve ça génial. Les deux premiers albums, pour moi ils sont incroyables. Même si je les écoute un peu moins que quand j’étais adolescent, ça fait quand même partie des monstres sacrés, c’est comme Nirvana ! C’est tellement énorme, tu as tellement écouté ça qu’au bout d’un moment tu mets un peu de distance avec ces trucs là parce qu’il y a tellement d’autres choses à écouter… C’est des trucs qui m’ont marqué à des moments de ma vie ! J’écoute énormément de musique brésilienne, de musique africaine aussi, de musique d’Amérique latine, de Colombie… Forcément la musique anglo-saxonne aussi, les musiques électroniques, le hip-hop, tout ça, enfin j’ai pas de courant, d’époque, de pays qui m’intéressent plus que d’autres. J’écoute beaucoup de Jazz et de musique classique aussi, il y a tellement de choses intéressantes dans plein de styles de musique différents, ce serait dommage de se cantonner à un truc.
On dit souvent que tu as été révélé aux Transmusicales à Rennes. On dit aussi que les Vieilles Charrues est le plus grand festival de France en musiques actuelles, ça représente quoi pour toi de jouer ici?
J’ai pas trop de mots. C’est assez fou de jouer ici ! Les Vieilles Charrues c’est un rayonnement dans le monde entier, en France encore plus, et encore plus dans le grand ouest qu’ailleurs. Pendant les 15 années ou j’ai vécu à Nantes, j’avais tout le temps des copains qui allaient là bas, moi je suis venu aussi ! C’est un endroit que je connais un petit peu, je connais des gens qui bossent sur le festival ! Et venir là, savoir qu’il y a autant de monde, et me dire que je participe à truc là, même si c’est le dimanche à 15h30… C’est fou de se dire que je suis dans la programmation avec des groupes comme Gorillaz ou Massive Attack qui sont des groupes que j’ai poncé adolescent aussi, c’est fou de se dire ça… C’est très bizarre !
D’ailleurs on a senti beaucoup d’émotion à la fin de ton concert, tu avais l’air heureux et ému.
J’étais trop heureux d’être là et de partager ça. J’en ai fait plein des festivals cet été, et là ça a une saveur particulière. Rien à voir avec le fait que c’est le plus gros festival de France, c’est juste l’atmosphère qu’il y a ici. Déjà t’as des drapeaux bretons partout, t’en trouves dans tous les festivals du monde mais t’en verras jamais autant qu’ici ! Les gens sont tous déguisés, maquillés, ils sont là pour faire la teuf !
Tu es arrivé à un moment charnière pour Voyou, comment tu vois le projet dans 10 ans ? Est-ce qu’il existera encore ?
J’en sais rien (il rigole). Je sais pas, je me projette pas dans le futur comme ça. Tant qu’il me sera permis de faire des chansons et tant que je serais capable d’en faire, je continuerai à en faire. Le jour où j’en ai plus l’envie, que ça sort plus ou que les gens ont plus envie de m’écouter, je ferai autre chose. Toujours de la musique mais je ferai d’autres trucs.
Tu te verrais revenir dans un groupe ? Ça te manque parfois ?
J’ai beaucoup de nostalgie de ces années là, parce que les gens avec qui j’ai joué c’est encore des amis très chers et à chaque fois qu’on se voit on peut pas s’empêcher de reparler de toutes ces années passées ensemble ! Je pense qu’on est très fiers du parcours qu’on a. Parce qu’on a pas débarqué comme ça, on a bossé vraiment dur, on a passé 10 ans à faire des concerts, à jouer dans des bars, des endroits pourris, parfois devant personne, et petit à petit on a rencontré des gens qui ont cru en ce qu’on faisait, on s’est mis à y croire aussi… On a jamais lâché, et même si on ne joue plus ensemble maintenant, on est hyper fiers d’en être arrivés là et de pouvoir maintenant débarquer avec un projet, sans être obligé de revivre ces moments super durs qu’on a vécus… C’est dur de commencer dans la musique, financièrement c’est super chaud, t’as beaucoup de déceptions, tu as beaucoup de trucs incroyables aussi mais pas le truc le plus simple de la terre quoi ! Ça dépend des artistes. Mon cheminement a été super compliqué et en même temps plein de bonnes surprises tout le temps, et voilà, c’était assez cool pour qu’il y ait toujours l’espoir que ça puisse aller plus loin. Je sais pas où je serai dans 10 ans, mais je suis très ému des 10 années que j’ai passées à faire de la musique avec mes copains.
Et à court terme, c’est quoi la suite du projet Voyou ?
En ce moment, quand je ne suis pas en concert je suis en studio à Paris, j’enregistre mon premier disque. Il va sortir début janvier sur mon label, Entreprise. J’ai trop hâte de pouvoir faire écouter ce que j’ai enregistré !