En tournée pour présenter leur nouvel album Shadow people, The Limiñanas ravivent la flamme du Rock & Roll, en peine ces derniers temps face à l’avènement des musiques électroniques. Un rock texturisé, une batterie sans cymbales, beaucoup de fuzz, plusieurs collaborations avec des visionnaires de l’histoire du rock, mélange entre shoegaze et rock garage psychédélique qui puise ses influences dans les racines du genre, le groupe originaire du sud de la France est une figure de proue de la renaissance du Rock, qui voit fleurir des artistes aux 4 coins du monde. Nous avons rencontré les fondateurs du groupe, Lionel et Marie, respectivement guitariste et batteuse, et avons parlé musique avec eux.
Worldzine : En regardant vos interviews, on voit passer de nombreuses références : Echo & The Bunnymen, The Velvet Underground, Joy Division… Dans quelle mesure elles vous aident, vous accompagnent au quotidien dans votre travail ?
Lionel : En fait on y pense jamais. Moi j’ai eu la chance d’avoir grandi dans une maison avec des grands frères et une grande soeur et d’écouter cette musique là à l’époque où elle sortait. Donc depuis tout petit j’ai baigné dans ce genre de disques, et puis en fouillant dans leur collection de disques à eux, j’ai fait mes propres choix… C’est une musique qui m’a toujours accompagné. Quand tu prends une guitare ou une basse pour enregistrer un titre, naturellement, cette espèce de maelstrom d’influences s’impose. On se dit jamais : « Tiens on va rendre hommage à tel ou tel mec ». Je pense pas que le groupe soit juste un mélange d’influences mais en tout cas elles sont là, ça c’est sûr et ça s’entend j’imagine.
Shadow people est ponctué de collaborations avec des grands noms de la scène rock (Peter Hook, Anton Newcombe, etc…). Comment ça se gère d’enregistrer un album avec autant de pointures du genre ?
Lionel : En fait ça s’est passé hyper facilement, comme à chaque fois parce que le disque était maquetté aux 3/4 avant qu’on ne leur en parle. On s’est jamais retrouvé dans une pièce avec Peter Hook et une guitare, jamais. Ça fait 2, 3 fois qu’on bosse comme ça avec pas mal de gens, et on y prend goût parce qu’on adore la façon dont ça vrille ce qu’on avait en tête.
Donc à ce moment là, vous saviez déjà ce que vous alliez leur demander de faire?
Lionel : On ne leur demande rien justement ! Nous on a maquetté le titre, rythmiquement et souvent déjà avec une trame de mélodie. Marie me force, la plupart du temps, à leur donner le track avec le moins d’éléments possible pour qu’il y ait justement de la place, parce que moi sinon j’ai tendance à empiler les pistes et à rendre le truc déjà trop avancé ! Et ça c’est une erreur, l’idée c’est qu’ils puissent comprendre ce qu’est la chanson mais en ayant leur liberté, et la bonne surprise c’est ça, c’est quand tu reçois les pistes et que tu vois ce qu’ils en ont fait. Avec Bertrand (ndlr : Belin), c’est comme ça que ça s’est passé, avec Peter Hook, les deux fois aussi, et avec Anton (ndlr : Newcombe) on est allés à Berlin avec presque tout l’album de fait, on a remonté le disque chez lui dans son studio, et à partir de là, il écoutait, il prenait une guitare et il rajoutait un truc. Il nous demandait si on aimait, nous on aimait à chaque fois. On a eu de la chance parce que dans nos choix on a jamais eu à jeter une piste ou à dire à quelqu’un : « Finalement on préférait la chanson avant que tu interviennes ».
Justement, quand on écoute votre musique, on a parfois l’impression d’entendre Brian Jonestown Massacre (ndlr : le groupe d’Anton Newcombe). Comment vous expliquez cette proximité, ces similitudes ?
Lionel : C’est juste que j’imagine qu’on doit aimer les mêmes disques. C’est aussi une manière assez similaire d’approcher la musique ! Il enregistre super vite, nous aussi. Les disques ont les enregistre à la première, ou deuxième prise et puis si c’est excitant on la garde même s’il y a des petits défauts. On s’est retrouvés sur tout ça en fait. Le disque s’est monté de façon très naturelle. Le simple fait qu’il joue dessus, il a un style tellement fort qu’évidemment ça va rappeler Brian Jonestown Massacre, c’est automatique.
Quelle relation vous entretenez avec lui ?
Lionel : Il nous a branché parce qu’il est tombé sur un album des Limiñanas et que ça lui a plu. Il est hyper friand de réseaux sociaux, nous pas tellement, donc on a eu l’info avec un peu de retard. Il voulait qu’on travaille ensemble donc on était hyper surpris, et très flattés parce qu’on est des vieux fans. Le fait qu’il nous connaisse déjà c’est fou quoi ! Nous on était en train de bosser sur une reprise des Kinks et on l’a branché pour faire le chant. Entre temps, il nous a invité pour faire sa première partie au Trianon. Il a bouffé 45 minutes de son show pour qu’on puisse jouer, il nous a imposé à la production, il nous a prêté son matériel pour pas qu’on ait de frais, enfin vraiment le mec ultra généreux. Après, on s’est retrouvé à Berlin à faire l’album avec lui, et puis en tournée. Dès qu’il peut il vient faire un track ou deux avec nous. C’est quelqu’un qu’on aime beaucoup.
Avec l’émergence des différentes musiques actuelles aujourd’hui, on entend souvent que le rock est en train de périr. Qu’est-ce que vous en pensez?
Lionel : Je crois que les gens qui disent ça, ce sont des gens qui connaissent bien mal l’histoire de la musique. Sans être médisant, dans les musiques jeunes émergentes il y a vraiment une forme de pauvreté et de faiblesse que tu pouvais retrouver dans l’histoire de la musique, justement toujours avant une grosse vague de pure musique électrique. Je pense qu’au bout d’un moment les gens vont se lasser de voir débouler des mecs sur scène avec un ordi et une instru qui tourne en calant un chant dessus, parce qu’il ne se passe rien.
Avec Marie on a vu des tas de concerts qui étaient géniaux, d’autres qui étaient moyens parce que les mecs étaient raides ou parce que techniquement ça marchait pas, mais au moins on avait l’impression qu’il se passait quelque chose. Aujourd’hui, tu as des mecs de l’ancienne école comme Nick Cave qui font des disques de plus en plus beaux et aboutis. Tu as une nouvelle vague australienne avec tous les tarés du psychédélisme qui font des disques vraiment incroyables. Donc non, moi je crois pas du tout que le rock est mort. La musique électrique vivante a de très beaux jours devant elle en tout cas.
Mélanger l’électro et le rock, ça pourrait être une réponse?
Lionel : Bien entendu ! Parmi les gens les plus intéressants qu’on a rencontrés sur la route ces dernières années, on est devenus copains avec Laurent Garnier, qui est un mec d’une intégrité totale et musicalement passionnant, et Andrew Weatherall, un producteur en Angleterre. Ce sont des gens qui ont l’esprit hyper ouvert et qui produisent des festivals qui mélangent tous les styles de musique, que ça soit la pop, le rock, le garage, la trans, la musique afro, etc. Je ne méprise pas du tout la musique électronique, au contraire. Ce qui m’intéresse moins c’est cette forme de pop qu’on voit aujourd’hui où globalement il ne se passe pas grand chose sur scène.